Lourdes: filmer la foi, filmer l’espoir, filmer la vie.

Lourdes: filmer la foi, filmer l’espoir, filmer la vie.

Lourdes, documentaire réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai, revient sur le pèlerinage de dizaines de milliers de personne chaque année dans la ville éponyme.

 

Ce documentaire surprend, et dans le bon sens. D’abord par le sujet, qui au premier regard ne ferait pas courir les foules dans les salles. Traiter de la religion dans un contexte où elle est si médiatisée, si questionnée, est un choix audacieux qui pourrait ne pas payer.

 

Pourtant, Lourdes cueille n’importe quel spectateur. Du croyant au pratiquant, en passant par l’athée ou l’agnostique, comme le sont les réalisateurs, Lourdes, malgré son sujet, n’est pas un documentaire sur la religion. Et c’est bien là la première surprise. On ne retrouvera pas dans ce long métrage d’apologie du christianisme, ni de critique. Le documentaire fait preuve d’une neutralité absolue, extrêmement difficile à maîtriser dans un tel format et face à un tel sujet. D’abord parce que les réalisateurs font attention à montrer des discours opposés, ou disons plutôt complémentaires. Le film ouvre sur des familles croyantes et pratiquantes, qui prient ensemble et en font un mode de vie, mais nous offre aussi le témoignage de christiano-sceptiques, comme cet homme immobilisé suite à plusieurs tentatives de suicide, qui dit au Père que “venir à Lourdes n’a rien changé à sa vie” et “croire ne l’aide en rien”.

 

Pourtant, ce même homme vient à Lourdes tous les ans et ce depuis des années. Et c’est là la seconde surprise du film. Les a priori que l’on a pu se construire sur les pèlerins de ce lieu sacré sont déconstruits mais surtout reconstruits. Comme le dit l’un d’entre eux, c’est en fait l’union d’une “communauté de condamnés à mort”. Cette expression très forte fait ressortir l’essence du film. Les pèlerins sont avant tout là pour être ensemble. Le discours final d’un des Pères souligne cette solitude, cette douleur presque plus forte que leurs différentes conditions, celle de repartir de Lourdes et de se retrouver seul.e, jusqu’au prochain pèlerinage.

 

C’est là la troisième surprise. Ce n’est pas vraiment un film sur la religion, ni sur le handicap, mais réellement sur l’humain. Le documentaire ne prétend pas filmer les dessous de Lourdes, à la manière d’une investigation, mais de dresser un portrait réel à un moment donné. Le spectateur peut ressentir le rapport de confiance qui a été créé entre les réalisateurs et les différents participants. On accède à une intimité si personnelle et si pure, symbole de l’intention de ce film. Certaines scènes, dont celle du bain filmée à une seule caméra avec un seul cadreur, sont si confidentielles qu’elles laissent le spectateur à bout de souffle.


Plus que sans voix, le spectateur est surtout dans tous ses états. On pourrait dire que le sujet choisi est tire-larmes, culpabilisant, mais le regard porté sur les pèlerins n’est jamais empli de pitié. On les écoute, on leur donne une voix, un visage, ce que l’on fait trop peu. La conclusion du film en est le coeur, ces gens “dérangent”, ils “mettent mal à l’aise” car ils nous renvoient à nos propres peurs. Il est donc essentiel de mettre le spectateur face à ses pensées intériorisées, et le film le fait tout en douceur, sans jamais être moralisateur.

 

Inutile de souligner la beauté des plans, du montage et l’esthétique de ce film dignes d’une fiction poétique. Si l’on peut dessiner un lien sur les trois derniers documentaires de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, ce serait bien le rapport au corps et la beauté de ceux-ci, et ce dans tous leurs états.

Le pôle Jury. 

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