La saison des femmes de Leena Yadav

La saison des femmes de Leena Yadav

L'Oeil Avisé

DeLa Saison des Femmes Leena Yadav
Date de sortie le 20/04/2016
Inde
Distributeur : Pyramide Distribution
Durée : 1h56
Avec Tannishtha ChatterjeeRadhika ApteSurveen Chawla

La saison des femmes fait partie de cette catégorie de films dont on sort forcément un peu transformé. C’est l’histoire terrible et magnifique d’un pays où les femmes sont condamnées à être soit des saintes soit des putains, et où ces deux catégories ont une chose qui les lie et qui les rassemble, pour le pire mais aussi le meilleur : le désamour qu’on leur apprend d’elles-mêmes.

C’est en tout cas comme ça que le film commence et que le décor est planté. A travers trois portraits de femmes d’un village reculé du nord de l’Inde, qui doivent tour à tour affronter un mari violent, la condition de prostituée ou un fils tout puissant, c’est le tableau d’une société patriarcale où la femme n’existe que dans son rapport à l’homme que ce film peint. Et quelle peinture ! La qualité de l’image est à couper le souffle, dans une inspiration parfois très bollywoodienne, entre tradition et modernité, et on ne se lasse pas des couleurs splendides des costumes, des bijoux, de la nourriture et des tissus qui contrastent avec les plaines et les villages aux couleurs de terre et de sable d’un pays dont on connaît finalement peu de choses.

Le film est violent, il faut le dire. Ce n’est pas la violence des blockbusters américains qui se traduit à coups d’effusions de sang ou de flingues en pagaille, c’est la violence, parfois peu supportable à l’écran, du quotidien, des mots, des gestes, de la tradition qui pèse inlassablement sur les femmes indiennes. Mais ce film n’est pas que ça, loin de là, car on y parle aussi d’amour, et c’est peut-être d’ailleurs là son sujet principal. On y raconte le premier amour, l’amour maternel, l’amour impossible, l’amour charnel, et au bout du compte l’amour de soi. La saison des femmes est en fin de compte l’histoire de femmes qui réapprennent à s’aimer, en dépit de tout le reste.

Si le film est un film féministe, comme l’a elle-même dit la réalisatrice lors d’une interview, il n’en reste pas moins que quelques beaux personnages d’hommes illuminent l’écran, par intermittence, comme de petites touches d’espoir distillées ici et là. Ils s’opposent à tous les autres qui, la journée battent leurs femmes pour une tête dévoilée, et le soir salivent sur les strip-teaseuses de la foire d’à côté. Ce contraste montre que l’on peut opposer le meilleur au pire, en rappelant au spectateur, quand il n’y croit plus, ce qui finalement constitue notre humanité. Et il en faut, de l’humanité, car l’histoire du tournage de La saison des femmes est un véritable combat : la réalisatrice s’est vue refuser l’accès à certains endroits lors du repérage pour les scènes tournées en extérieur, les hommes du village désapprouvant qu’une équipe puisse être dirigée par une femme, en pantalon et osant s’adresser aux hommes la tête levée. Et la bataille n’est pas terminée, puisque la diffusion du film en Inde est incertaine : un comité de censure doit se prononcer prochainement.

Alors allez voir La saison des femmes lorsqu’il sortira en salles, pour l’histoire, les acteurs, la beauté des images, pour le symbole et parce que c’est un film qui vous absorbe et qui ne peut pas vous laisser indifférent. Allez le voir parce qu’il nous questionne sur nos rêves et sur qui nous sommes, hommes et femmes confondus, et que par les temps qui courent, c’est une nécessité.

Roxane Jovani

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