« Crédibilité » par Mathieu Batardière
Lundi soir, 22h, première projection du film The Strange Ones de Christopher Radcliff et Lauren Wolkstein aux Rencontres Cinématographiques du Sud à Avignon. La soirée d’ouverture vient de se terminer et les professionnels, journalistes et exploitants confondus, se dispersent dans les différentes salles obscures du cinéma Le Pandora.
Un des exploitants avec qui nous avons échangé plus tôt dans la journée s’assoit au même rang que nous, à quelques sièges d’écart. Avant que le film ne commence, celui-ci sort son portable pour envoyer un message. Dès lors, le smartphone ne quittera plus sa main, tantôt allant sur Facebook, tantôt sur Twitter, envoyant des mails et des SMS à tout va. L’exploitant ne relève la tête que quelques fois durant le film, lorsque la musique devient forte ou qu’une scène d’action le sort de sa rêverie technologique. L’écran de son portable s’estompe à plusieurs reprises, mais ne s’éteint complétement que deux ou trois fois au cours des 81 minutes que dura la projection. À peine le générique lancé, l’exploitant sort de la salle. Lorsque nous le retrouvons à l’extérieur, il discute du film avec trois de ses collègues, donnant son avis, écoutant avec attention celui des autres.
Quand nous échangions avec lui quelques heures plus tôt, celui-ci nous parlait avec passion du métier d’exploitant, qu’il exerce depuis une vingtaine d’années déjà. Fort de cette expérience, il nous parle de ses différents coups de cœur, nous livre différentes anecdotes du métier. D’après lui, la principale qualité d’un bon exploitant est d’avoir vu les films qu’il programme, sans quoi il manquerait totalement de crédibilité vis-à-vis de ses spectateurs. Comment aurait-il pu savoir, à ce moment-là, que quelques heures plus tard, il nous donnerait un tout autre aperçu de la profession. Pour paraître crédible, l’important ne serait donc pas de savoir de quoi l’on parle, mais d’avoir un avis sur tout ?