« Générique » par Marie Lemoine
Les dernières images de Foxtrot éclairent les visages des spectateurs de lueurs changeantes au rythme du montage. Dernier plan, puis tout est plongé dans l’obscurité. Quelques cartons écrits blanc sur noir se succèdent à l’écran. La salle se réanime peu à peu, les spectateurs se redressent sur leur siège, changent de position, se mettent à remuer comme s’ils reprenaient conscience de leur corps, ou simplement comme s’ils s’autorisaient quelques mouvements qu’ils s’étaient interdits pendant la durée de la projection, de peur de déranger leurs voisins. Certains, déjà, quittent la salle, trahis par le rectangle de lumière de la porte ouverte, qui se referme sur les quelques conversations et bruits extérieurs.
Les cartons laissent place au générique défilant. Noms et prénoms des acteurs, scénariste, réalisateur, assistant réalisateur, chef opérateur… Les spectateurs tâtonnent autour d’eux à la recherche de leur sac laissé à leurs pieds ou de leur veste posée sur le siège d’à côté, sur le siège de devant ou glissée dans leur dos. Installés au milieu des allées, ils commencent à regarder à droite et à gauche afin d’anticiper leur sortie ; installés aux extrémités, ils reçoivent les regards des précédents, auxquels il faudra bientôt faciliter le passage, en partant avant eux ou en repliant ses jambes sur le côté. Certains échangent quelques mots chuchotés tout en se levant de leur siège. Ils jettent un rapide coup d’oeil sous ce dernier puis commencent à se diriger vers la sortie en vérifiant que leur partenaire suit.
Au tour des équipes techniques. Son, lumière, décors, costumes… Une minorité est encore assise sur son siège. Le regard tente de se concentrer sur l’écran et les centaines de noms qui défilent malgré les mouvements de tête distraits vers les autres spectateurs en train de quitter la salle, ou simplement pratiques, pour continuer à apercevoir l’écran entre les silhouettes qui se déplacent lentement.
Titres des différentes musiques, compositeurs… Il ne reste plus que quatre personnes. Parmis eux, un homme et une femme d’une vingtaine d’années environ, assis à une allée d’intervalle, presque l’un derrière l’autre. Ils se retournent de temps en temps pour avoir un aperçu des spectateurs encore présents, ou peut-être d’un personnel du cinéma qui viendrait leur demander de quitter la salle avant le film suivant. Ils sont déjà presque habillés pour sortir. Ils ont reproduit les mêmes gestes que d’autres spectateurs partis plus tôt, mais plus lentement, timidement, les yeux rivés sur l’écran. Les derniers logos se succèdent au générique, puis les copyright. L’homme se lève, il est dos à l’écran. En enfilant son écharpe, il sourit à la jeune femme :
– « Toi aussi, tu as des parents profs ? »