Carmina de Paco León

Carmina de Paco León

Bandeau L'oeil avisé

Carmina critique 2De Paco León
Date de sortie le 13/07/2016
Espagne
Distributeur : Bodega Films
Durée : 1h33
Avec Carmina Barrios, Marià León, Yolanda Ramos
Prix Jules Verne au Festival du Cinéma Espagnol de Nantes

Une comédie cynique, dans laquelle une femme, avec la complicité de sa fille, cache le corps de son mari mort d’une crise cardiaque pendant deux jours afin de pouvoir toucher sa prime du lundi. Mais c’est aussi un temps qui lui permet de faire son deuil, avant que les voisins et amis ne viennent investir l’appartement, plus ou moins attristés.

Carmina, c’est un personnage extravagant aux méthodes bien particulières : elle ne ment jamais, mais ce qu’elle dit devient toujours la réalité; pour déloger des squatteurs du salon de beauté de sa fille, elle leur fait la bise en mangeant des graines de tournesol ; et pour régler les problèmes de couples, rien de plus simple : un post-it, une photo d’identité, et un peu de sucre en poudre, le tout dans un mug et recouvert de votre main sur laquelle vous portez votre alliance, tout en priant au nom du saint Romarin.

Carmina est un film qui nous fait rentrer dans l’intimité d’un couple, dans leur appartement, qui devient un véritable huis clos. Sous la lumière blafarde du néon de la cuisine, Carmina apparaît le visage creusé de rides et de cernes, auréolée de la fumée de sa cigarette qui ne la quitte pas. On s’y croirait presque, une double mise en abyme du cadre incluant le spectateur dans la cuisine et dans le salon en arrière-plan. Ce dernier est fermé par une porte en verre fumé derrière laquelle disparaît et repose feu Antonio, et derrière laquelle Carmina le cache, en hors-champ. Ce dernier est ainsi toujours présent soit par les questions des voisins ou de sa petite fille qui demandent en vain où il se trouve, qui remarquent l’odeur fétide régnant dans la pièce malgré les paquets de frites et de steacks surgelés précautionneusement disposés sur le corps dudit Antonio par sa veuve pour limiter les dégâts.

Si les rapports semblent régis par l’argent : Carmina qui vole son mari décédé et qui le cache pour toucher sa prime ; qui semble aussi acheter sa fille, et se bat avec la voisine pour une facture ; cette mort renouvelle aussi leurs relations. Mais c’est surtout un temps de deuil, pendant lequel Carmina dit adieu à son mari en lui parlant, avant de parvenir à reprendre sa vie. Le film est alors divisé en deux : la mort réelle d’Antonio, dont seules Carmina et Maria sa fille ont connaissance ; et sa mort officielle ou sociale, annoncée publiquement, lui donnant une dimension plus réelle.

Le tout est traité dans une esthétique du quotidien et de l’intimité, totalement dans la tradition artistique espagnole depuis la peinture du XVIIe siècle avec ses visages usés, toujours teintée de religiosité mais aussi d’humour, dans la veine du Volver de Pedro Almodóvar mais avec une facture plus à la Dardenne, caméra à l’épaule en plan rapproché ou gros plan, avec une certaine crudité. Ce mouvement continu de la caméra en panoramique, ainsi que celui du personnage principal, interrompus et relancés par les autres, donnent un certain rythme au film malgré son unité de lieu. Le seul moment qui pourrait être poétique, celui de l’enterrement au ralenti, digne d’une scène de mise au tombeau, est brisé par le son brutal de l’incinérateur.

Le film sortira en juillet en seulement 50 copies, n’attendez donc pas quand vous le verrez à l’affiche !

Laura Bourdais

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