« My Wonder Woman » (Angela Robinson) par Pierre Nicolas
Avec My Wonder Women, Angela Robinson signe ici, avec sa première mise en scène pour le grand écran, une histoire vraie pour le moins… atypique. On aurait pu craindre que le film soit un énième biopic sans saveur, ou pire, qu’il ne cherche qu’à surfer sur le succès triomphant de Wonder Woman sorti l’année dernière. Mais ici, rien de tout ça, et le film développe très vite sa propre identité.
Le film traite en premier lieu des travaux du Dr William Moulton Martson, professeur de psychologie à l’Université de Radcliffe, où il travaille avec sa femme Elizabeth sur les émotions humaines. Dans le cadre de leurs travaux, ils vont recruter une assistante en la personne d’Olive Byrne, jeune étudiante qui fascine les deux universitaires. Au fur et à mesure que les découvertes se font, notre trio se rapproche, les regards se fuient mais inéluctablement, ce qui semblait un triangle amoureux très classique devient un ménage à trois.
Ce trio improbable et pourtant bien réel est donc le cœur de l’intrigue, or il est bon de rappeler que nous sommes aux Etats-Unis, dans les années 30. Dès lors, nos personnages sont victimes de leurs mœurs, victimes du puritanisme caractéristique de l’époque, victimes de l’intolérance.
Le film bascule à mi-parcours sur la création du personnage de Wonder Woman, ses origines, ses inspirations, ses répercussions dans la société américaine et sur la vie personnelle de nos héros.
Pour autant, si le film est axé en deux temps, d’abord sur les travaux du couple Martson, puis sur la création du personnage emblématique des comics-books américains, son coeur réside dans ce ménage à trois atypique. Ce triangle est filmé avec beaucoup de tendresse, bien loin des représentations habituelles auxquelles les ménages à trois sont habitués dans le cinéma. On est loin d’une représentation très charnelle de la relation, par rapport à Vicky Christina Barcelona de Woody Allen par exemple.
De plus les rares scènes où cet aspect plus charnel est mis en avant fonctionnent assez peu, du fait que le film se concentre davantage, et avec réussite, sur les sentiments qui traversent ce ménage à trois. Avec My Wonder Women, notre vision du couple est brouillée. Par sa structure triangulaire, mais aussi par ses fantasmes et ces amants qui nous sont ainsi montrés comme des freaks, loin des mœurs traditionnelles de l’époque, avec beaucoup de douceur.
Le film porte un regard touchant sur ses personnages féminins, Elizabeth Martson et Olive Byrne, deux femmes complémentaires, bien traitées, l’une brune, « féroce » et aux répliques acérées ; l’autre blonde, plus jeune et rayonnante ; formant les deux facettes de la femme idéale représentée par le personnage de Wonder Woman.
Pour autant, le film n’est pas exempt de défauts. Sa structure narrative est peu originale, reprend les carcans du biopic et ressemble par exemple en tout point à celle d’Imitation Game : démarrer le film sur un réquisitoire d’un personnage, dont le récit sert de fil conducteur et d’explication face à ceux qui le jugent. La mise en scène n’est pas particulièrement inspirée, et même si de rares plans marquent la rétine, la réalisation d’Angela Robinson ne sert pas de plus-value au film. On pourrait souligner aussi un traitement assez étrange du personnage principal, parfois montré comme essentiel au ménage à trois, un couple sans qui l’homme ne pourrait fonctionner (d’autant qu’il est davantage mis en avant par rapport à ses compagnes).
Néanmoins, My Wonder Woman propose un regard troublant, qui fait réfléchir sur la nature de nos sentiments, sur nos relations amoureuses, nos fantasmes, en livrant une histoire hors du commun, mettant en lumière l’histoire d’une figure féminine primordiale de la pop-culture mondiale.
Film en compétition
Sortie nationale : 18 avril 2018
Bande annonce : https://lc.cx/Pfm7