Rencontres Trans Musicales 2013 : le live-report

Rencontres Trans Musicales 2013 : le live-report

Jeudi 5 décembre 2013
21h45. Parc des expositions. Hall 3. Pluie de paillettes et de psychédélisme sur scène. Moodoïd offre au public déjà compact une pop grandiloquente qui flirte allègrement avec le rock progressif. Le lendemain, l’équipe de Tube à Idées croisera le groupe à l’espace presse de l’Étage, toujours couvert de paillettes. Question : ont-ils le même accoutrement quand ils sortent acheter des clopes ?
22h30. Hall 4. Le premier album de London Grammar aurait pu s’appeler Oxymore : le trio émerveille l’assemblée avec sa pop downtempo, à la fois sombre et incandescente. Ces jeunes anglais ont réussi un sacré tour de force, celui de digérer avec douceur l’héritage dubstep de leur —pas si lointains— aînés afin de développer une musique subtile et puissante. L’avenir leur appartient.
23h00 et des poussières. Hall 3. La dernière fois qu’on avait vu Luke Jenner, c’était à la tête de l’une des plus grosses machines dance-rock des années 2000 : The Rapture. Aujourd’hui, aux claviers, le new-yorkais est en Europe pour défendre son projet solo, accompagné d’un bassiste et d’un batteur — une formation minimaliste pour un résultat raffiné. Les mecs reprennent même « Jump » de Van Halen : cette version ne plaira peut-être pas aux Ultras de l’Olympique de Marseille, mais elle a le mérite de faire fondre l’assistance des Trans Musicales.
02h45. Hall 3. Physiquement, Har Mar Superstar évoque Chilly Gonzales et Philippe Katerine. Musicalement, le bonhomme est le chef d’orchestre d’un gang soul-rythm’n’blues qui transpire le stupre. Les vestes tombes, les corps se rapprochent : la performance lubrique de l’Américain tient toutes ses promesses. L’extase n’est pas loin… les navettes pour rejoindre l’hôtel non plus.

Vendredi 6 décembre 2013
15h00. L’Étage. Entre rock psychédélique dopé à la fuzz et dance-punk mignon, Disco Anti Napoleon réveille les courageux qui ne sont pas restés sur les fauteuils de l’espace presse. Programmés à une heure plus tardive, ces quatre nantais auraient fait un ravage.
16h10. L’Étage. Expø —oui, avec un ø— prouve qu’en 2013, le pop-rock français ne se résume pas qu’à une armée d’ersatz de Phoenix. Et c’est un petit exploit.
18h00. Rennes. Marché de Noël, fête foraine, restauration bretonne et départ vers le parc des expositions. Quelle aventure.
22h35. Hall 9. La salle affiche complet pour accueillir Stromae. Découvert en 2010 par… les Trans Musicales, le maestro fait un retour triomphal et dégaine ses hits (« Tous les mêmes », « Formidable », « Alors on danse »…) devant une foule acquise à sa cause. Son concert est, sans aucun doute, le point culminant du festival en terme d’ambiance. Seul bémol : des 7000 personnes présentes dans le hall 9, plus d’un millier se sont faites la malle juste après le concert du Bruxellois, ne profitant pas de la truculente programmation à suivre.
23h30. Hall 4. Brutal, bipolaire, éreintant… Le live de Le Vasco allie la sensibilité de la pop, la modernité de l’electro et la hargne du punk-hardcore. De quoi en dérouter plus d’un mais pas votre serviteur, persuadé que ce quintet épileptique est le next big thing français.
00h00. Green Room. Les chalands se trémoussent sur les tracks house standards mais néanmoins efficaces du DJ Clyde P. La ressemblance avec son papa, Rachid Taha, est troublante.
01h00. Hall 4. Les Meridian Brothers enchantent le public avec leur combinaison de pop burlesque et de ritournelles tropicales. Avenants, déchaînés, les Colombiens diffusent avec brio leur bonne humeur communicative — et les personnes accréditées présentes au bord de la scène n’en finissent plus de leur demander un rappel.
02h00. Hall 3. Le spectre de Nirvana période In Utero déambule dans la salle tandis que Mozes & the Firstborn gesticule sur scène. Le son est brouillon, l’énergie certaine, l’hygiène approximative : à ce moment précis, Rennes est un péage entre Seattle et les Pays-Bas.
02h40. Hall 4. Le saxophone revient en grâce ces dernières années. C’est un fait. Mais Melt Yourself Down transcende cet instrument en balançant un jazz-punk débridé absolument jouissif. Si la fougue avait sa coupe du monde, ces six brigands écraseraient l’intégralité de leurs concurrents avec une facilité déconcertante. Une claque.
04h20. Hall 4. Devant des projections hallucinées, Public Service Broadcoasting sample de vieux programmes d’informations pour nourrir son synth-rock droit comme la justice. On a l’impression de regarder la BBC sous l’influence de divers psychotropes. Pourtant, la seule drogue de Tube à Idées, c’est bel et bien la galette-saucisse.

Samedi 7 décembre 2013
17h30. L’Étage. Une boucle électronique minimaliste résonne dans les enceintes de la salle tandis que Rhume monte timidement sur scène. Le premier morceau du set, strident, distordu, explose brutalement au visage du public. Mauvaise blague du groupe ? Négligence de l’ingénieur du son ? Le public n’en saura rien mais la moitié de l’assistance fuit l’Étage après une poignée de notes scandaleusement fortes. Sur les planches, le groupe se livre avec une sincérité aussi attendrissante qu’intrigante : le frontman gesticule maladroitement, fracasse une cymbale isolée dès qu’il le peut et braille ses paroles faussement naïves comme si sa vie en dépendait. Le guitariste, un tantinet plus calme, bazarde des riffs aiguisés, difficilement audibles. Rhume, c’est du spoken work apocalyptique, du rap malade, du post-rock qui pue le cynisme, de l’electro indigeste. Rhume, c’est tout ça à la fois. Rhume, c’est une performance tellement gênante qu’elle en devient géniale. Rhume, c’est dégueulasse et c’est à suivre de très près.
18h10. Esplanade Charles de Gaulle. Malgré leur passage remarqué à Dour ou Marsatac cette année, le collectif Salut c’est cool n’est pas à l’affiche des 35e Rencontres Trans Musicales de Rennes — il fait néanmoins partie de la programmation des Bars à Trans, le festival « off » de l’événement. Véritables stakhanovistes de la fête, ces jeunes ambassadeurs de l’über-absurdité offrent sur le parvis du Liberté, investie par la fête foraine, un hilarant concert sauvage, entre chanson et techno cheap et dadaïste.
18h30. L’Étage. Malgré quelques problèmes techniques, Dead tétanise une grande partie de la salle avec son post-punk sonique. On pense, pêle-mêle, à A Place to Bury Strangers, The Soft Moon et Trisomie 21 : pas de doute, ce trio rennais a les moyens de devenir une bien glaciale machine à tubes.
23h45. Hall 9. « Fuck the Harlem Shake / The joke has passed its sell by date, I said / Fuck the Harlem Shake / The joke is over for god sake ». C’est en saccageant l’un des buzz les plus redondants de l’année que les titres parodiques des Midnight Beast ont envahi les réseaux sociaux… et traversé la Manche : sur la scène du hall 9, ces ingénieurs du « lol », sorte de pendant british de Lonely Island, servent au public un rap potache, vaguement rock mais terriblement efficace. Mention spéciale à leur titre « Pizza In Ibiza ».
00h30. Hall 9, toujours. Boston Bun fait parler la poudre avec ses assauts ghetto-house enivrants. Fraîchement recruté par le célèbre label parisien Ed Banger, il y a fort à parier que la carrière du bonhomme prendra une autre dimension dans les mois qui arrivent.
03h30. Greenroom. Charlie Kane électrise la salle avec son mix drum’n’bass salvateur. Dans l’assemblée, beaucoup d’individus, nés après 1985, n’ont pas connu l’âge d’or des raves : ici, le jeune anglais — quoi doit à peine avoir 20 ans — offre une sensation exaltante, celle de tutoyer une époque révolue où les fêtes technoïdes improvisées étaient sensées.
04h15. Hall 4. Le live de Gang Do Eletro fait chavirer nos cœurs grâce à son electro-rap-cumbia haut en couleurs. S’ils revendiquent l’aspect « gang » de leur projet, ces trois bonshommes et cette demoiselle originaires du Brésil n’ont rien de belliqueux : ils ne sont qu’amour.
05h15. Hall 4. Acid Arab clôture puissamment cette 35e édition des Rencontres Trans Musicales de Rennes. Le duo, composé de Hervé Carvalho et Guido Minisky, délivre une longue montée onirique alliant acid house et musiques arabes — quoi de plus logique — en guise de point d’orgue de cet événement qui a encore battu un record (30 000 spectateurs payants, contre 28 000 en 2012, année du précédent record). À l’année prochaine.

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