« Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot » (Gus Van Sant) par Lydia Paul

« Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot » (Gus Van Sant) par Lydia Paul

COURS TOUJOURS OUAIS !

Dans une société où prime l’individualisme, Gus Van Sant signe son grand retour avec un film qui met en lumière l’importance des rapports sociaux et les valeurs du groupe. Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot ce n’est pas seulement l’histoire d’un personnage en quête de revendications, c’est surtout un film qui vous chuchote littéralement à l’oreille « Ne t’inquiète pas, il n’ira pas bien loin à pied ». Tiré d’une histoire vraie, celle de John Callahan, Don’t Worry He Won’t Get Far On Foot fait le portrait d’un homme ayant perdu tout espoir, refusant d’admettre le caractère irréversible de sa situation. Victime de violences physiques à son plus jeune âge, John Callahan commence l’alcool à 13 ans, qu’il n’arrêtera qu’après sa cure de désintoxication. Il en voudra tout au long de sa vie à sa mère qui l’aurait, dit-il, « abandonné »: « je ne leur pardonnerai jamais ». Comme une punition venue des cieux pour tous les péchés commis, le cavalier noir est rattrapé par ses erreurs et devient tétraplégique suite à un accident de voiture, un soir de débauche et d’alcool. C’est à ce moment là que le réalisateur choisi de nous emmener vers les différentes étapes que va traverser le personnage, qui prend alors conscience que son corps était la seule chose qui lui restait. L’histoire de cet homme est dramatique, mais le réalisateur parvient à échapper au mélodrame et plonge le spectateur dans un récit teinté d’humour grinçant et de situations cocasses. L’apparition des dessins de l’artiste favorisent cette poésie. Ils transforment la narration en prenant part à l’intrigue de manière légère et chamboule l’énonciation. Les dessins nous plongent dans un discours riche et dynamique. On comprend très vite d’ailleurs, que le dessin est la réponse aux problèmes de John Callahan, une véritable thérapie, un exutoire. On regrette cependant leur apparition trop peu sollicitée.

Quand au jeu d’acteur, Joaquin Phoenix fidèle à lui-même, s’est bien imprégné du personnage, son interprétation authentique et sincère reste touchante sans en faire trop, voire pas assez ; les sentiments sont trop lisses et pas assez exploités en profondeur. L’acteur dissimule par sa performance, les maladresses d’un réalisateur pas assez audacieux. On nous vend au départ un personnage débraillé, désinvolte, très rock’n’roll, n’ayant pour limites que celles qu’il daigne bien vouloir s’imposer. Le spectateur, séduit par l’interprétation, est tenu en haleine et attend d’être emporté par les émotions. Mais la tension se perd et on retombe dans la déprime peu émouvante d’un homme à demi acteur de sa vie. Un parti pris qui nous sauve sans doute de l’histoire tragique et déchirante d’un tétraplégique alcoolique déjà représenté au cinéma. Dans ce film, le réalisateur a fait le choix de travailler sur la vie de John Callahan dans sa globalité, au détriment de certains épisodes qui mériteraient qu’on s’y attarde d’avantage. Un focus sur un épisode de la vie de John Callahan aurait été plus judicieux, permettant ainsi de conserver une chronologie plus cohérente.

Gus Van Sant s’est tout de même bien entouré ; on retrouve la fine touche de Danny Elfman, producteur de nombreuses bandes originales de Tim Burton, ici Danny s’est très bien adapté à l’image et nous ramène à l’époque des Eightees. Matt Demon, acteur de prédilection ne fait cependant pas partie du casting, mais on ne regrette pas qu’il est été remplacé par la séduisante Rooney Mara ou Jonah Hill interprétant ici l’incarnation de la sagesse absolue. Don’t worry he won’t get far on foot, c’est l’histoire d’un artiste incompris, d’un homme qui grâce à ses rencontres, reprend goût à la vie. Gus Van Sant nous livre un biopic distancié voir impersonnel d’un personnage qui s’est battu pour affirmer sa marginalité.
Alors nous, et bien on court après nos émotions.

Sortie nationale : 4 avril 2018
Bande annonce : https://lc.cx/PfnW

 

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